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Deux petites culottes au fil de la procédure
"Nous, soussigné gendarme X, agent de police judiciaire, sous le contrôle de l'adjudant Y, vu les articles 20, 21-1 et 75 à 78 du code de procédure pénale, rapportons les opérations suivantes : le 16 octobre, Mme T se présente à notre unité et manifeste le désir de déposer plainte contre X pour vol de linge. Nous enregistrons sa plainte." Suivent dix pages de procédure, soigneusement cotées et paraphées. Elles commencent par la déposition de la plaignante :"J'avais étendu mon linge sur le fil à 11 heures, samedi. Je me
suis absentée l'après-midi et, à mon retour, j'ai remarqué l'absence de
deux culottes. Dans une petite ville d'Aquitaine, le gendarme X flanqué du maréchal des logis-chef Y vont le lendemain au domicile du voisin, pour lui annoncer sa convocation à la gendarmerie. Un mois passe. M. Z se présente à la date prévue. Il est retraité, un peu dépressif, et reconnaît tout de suite qu'il est l'auteur du vol. "Pourquoi avez-vous pris les deux culottes alors qu'il y avait d'autre linge ? Le gendarme X informe le procureur de la République. Celui-ci demande au voisin de dédommager sa voisine, en échange de quoi il prononcera contre lui un simple rappel à la loi. En décembre, la procédure s'épaissit. "Nous, gendarme X, sous le contrôle de l'adjudant-chef Y, poursuivant l'enquête en cours, joignons à la procédure l'attestation du dédommagement que nous remet Mme T, accompagnée du ticket de caisse d'un montant de 33,40 euros. Elle reconnaît avoir reçu un chèque correspondant de la part de M. Z." Le ticket de caisse de l'achat d'un "boxer Capucine" et d'un "shorty Joséphine" dans un hypermarché est enregistré dans le dossier. M. Z est convoqué une nouvelle fois. Le procès-verbal de "notification de rappel à la loi" est dressé. Le gendarme X reprend la plume : "Ce jour comparaît devant nous M. Z, auquel il est reproché d'avoir, sur le territoire national, frauduleusement soustrait une culotte blanche taille 36 et une autre culotte taille 38 sur un fil à linge au préjudice de Mme T. L'informons que, s'il était poursuivi devant le tribunal correctionnel, les peines maximales encourues pour les faits cités sont de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Invitons le comparant à ne pas renouveler l'infraction. La personne affirmant ne pas savoir lire, lecture lui est faite." Mme T décide de maintenir sa plainte. Le procureur est à nouveau saisi. Décide de classer sans suite. Fin de la procédure. Pascale Robert-Diard |
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