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Plantu dans Le Monde...
Nouvel épisode digne d’un mauvais soap opéra brésilien de la guerre
entre « la première dame » et la « première femme » ?
La chronique de Philippe Sollers
La crise, l'euro, la Syrie, les impôts, le Front national, tout cela n'est rien par rapport au tweet.
PRIONS
pour le Président : il s’est mis, Dieu sait comment, dans la pire des
situations qu’évoque mon catéchisme à l’usage de l’homme amoureux
normal. Je résume : zéro femme (ascèse monastique), une seule femme
(maman), deux femmes (l’enfer), trois femmes (respiration mais problèmes
logistiques). Bien entendu, on peut dépasser ce chiffre, sans aller
jusqu’à la boulimie de DSK, qui laisse d’ailleurs impassible Anne
Sinclair sur son socle. La frénésie sexuelle, on ne le sait pas assez,
ramène à maman, qui peut fermer les yeux sur ces acrobaties passagères.
En
revanche, quand deux femmes s’affrontent pour la possession du même
homme, ce dernier marche sans cesse sur des charbons ardents, le souci
permanent et la dissimulation épuisante l’habitent. Chacune ne pense
qu’à l’autre. Qui est la vraie? Laquelle a le pouvoir? La mère des
enfants? La nouvelle compagne avec ses propres enfants? Une concurrente
plus jeune en attente d’enfant? Mettez la politique dans le coup, et
vous obtenez l’affaire sensationnelle du tweet.
Ne
plaisantons pas, c’est du sérieux, de la souffrance pure, un coup de
poignard administré par la première lame de France. Les élections, la
crise, l’euro, les massacres de Syrie, les impôts à venir, la
progression lente et sûre du Front national, tout cela n’est rien par
rapport au tweet. C’est un sommet dans le genre. On peut en imaginer
d’autres qui feraient du bruit : la reine d’Angleterre, en plein jubilé,
tweetant qu’elle a toujours détesté sa couronne, le pape révélant au
grand jour son homosexualité, Michelle Obama avouant sa relation avec un
jeune Blanc, Sarkozy admettant son ancienne liaison torride avec
Liliane Bettencourt, ou moi, après tout, faisant état de la demande
incroyable et gênante que m’a adressée Marine Le Pen, un soir :
"Embrasse-moi sur la bouche."
Ce n’est plus la
politique qui fait la loi, mais le tweet inattendu, énorme,
transgressif. À quoi pensait le Président en accrochant des décorations
sur les cercueils des soldats français morts en Afghanistan? Au tweet.
Ce n’est plus du vaudeville, mais du Shakespeare. Une seule solution
pour sortir de ce cauchemar : une nouvelle prétendante au rôle de
première dame de France, un mariage à tout casser, et, vite, un bébé.
Espérons que cette nouvelle aventurière courageuse nous préviendra par
un tweet.
La guerre des tweets
Rouge vif, par Anne Roumanoff.
Dimanche 17 juin, Ségolène
Ô rage, ô désespoir, ô Rochelle ennemie
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie?
Ô électeurs rochelais
Pourquoi m’avoir si cruellement rejetée?
Et toi, Falorni, traître du Parti,
Sache que tu seras puni pour ta félonie.
Les traîtres, tôt ou tard, par le ciel sont châtiés. Et si ça n’advient pas, moi je m’en chargerai. Dimanche 17 juin, ValérieOuf,
la gauche a gagné malgré le tweetergate… François ne veut plus que je
l’accompagne dans ses voyages mais, au moins, il a arrêté de me bouder. Lundi 18 juin, SégolèneOn
ne parle que de moi, même quand j’échoue, je suis au cœur de
l’actualité. Le CSA râle parce que les médias ont diffusé mon appel du
17 juin à 19h45 mais je me suis défendue sur Twitter : "Ça ressemble à
quoi cet acharnement sur une femme politique honnête?" Ça aurait fait un
bon sujet de bac philo : "L’adversité renforce-t-elle la combativité?"
Dans mon cas, oui, oui et oui! Qu’on se le dise : je suis à terre mais
toujours debout. Lundi 18 juin, ValérieJe ne dois plus tweeter, je ne dois plus tweeter… Mercredi 20 juin, SégolèneMa meilleure ennemie est en couverture de tous les magazines ; on ne sait plus si on lit Voici ou L’Express.
Un ami m’a expliqué que c’était misogyne de s’acharner ainsi contre
elle et moi. Quand on me critique, c’est de la misogynie, du machisme ou
de l’injustice? Mercredi 20 juin, ValérieDire que j’ai 124.583 followers… Ça me fait mal au cœur de fermer mon compte Twitter. Jeudi 21 juin, SégolèneDans Le Monde,
ils ont prétendu que je cherchais à me recaser à la tête de l’ARF,
l’Association des régions de France. Quel mensonge! J’aspire à beaucoup
plus que de diriger un truc dont personne n’a jamais entendu parler.
J’ai dû faire une mise au point sur Twitter : "Je n’ai rien demandé et
ne demande rien. Merci d’arrêter de parler à ma place." Je suis comme
ça, moi : directe, sincère, passionnée, entière. Comme je suis aussi
classe et élégante - pas comme qui-vous-savez -, j’ai félicité Claude
Bartolone : "Je souhaite très sincèrement à Claude Bartolone de réussir
cette belle mission." L’élégance, c’est maintenant. Jeudi 21 juin, ValérieSégolène a envoyé six tweets aujourd’hui, c’est pour me narguer ou c’est parce qu’elle rêve de me ressembler? Vendredi 22 juin, SégolèneN’empêche,
la gauche me doit beaucoup, quand je pense à tous ceux qui, sans moi,
n’en seraient pas là : François, Delphine Batho, Bartolone et même le
petit Garot qui a été nommé ministre juste pour me faire plaisir…
J’avais retrouvé mon calme quand j’ai vu la couverture de Elle.
On y voit qui-vous-savez avec ce titre provocateur : "Seule contre
tous." Mais c’est moi qui suis seule contre tous! Je suis la première
victime de France. Vendredi 22 juin, ValérieSégolène m’accuse dans Le Point
d’avoir bousillé sa famille. Ça me démange de lui répondre mais j’ai
promis de ne plus envoyer de tweet quand je serai en colère. Elle ne
perd rien pour attendre : tweetera bien qui tweetera la dernière…
Le tweet et le style
À la manière de la marquise de Sévigné
Imaginez-vous
ma chère, l’histoire la plus inouïe qui soit, il est arrivé cette
semaine un scandale incroyable à la cour du roi. La favorite du roi
François qui ne porte pas dans son cœur Mme Royal de la Rochelle, a
humilié sa rivale publiquement. Le roi est très embarrassé, le duc Copé
de Meaux se gausse, Mme Royal se dit meurtrie, la favorite ne dit plus
mot. On ne parle que de ça et de l’affaire Morano de Toul, cette
duchesse aux manières de poissonnière qui n’est pas très regardante
quant à ses liaisons politiques. Tout cela sera sans doute oublié dans
une semaine, mais je suis un peu lasse du bruit qu’on en a fait au
regard des vrais problèmes que traverse notre royaume.
À la manière de Thierry Roland
- Joli tacle du numéro 2 sur la numéro 1.
- Mais c’est un coup franc… Oh oui, pour moi c’est un coup franc. Il y a faute!
- Carton rouge ! Ça mériterait un carton rouge mais l’arbitre, M. François, fait mine de n’avoir rien vu.
- Ah, il n’aime pas la bagarre cet arbitre, c’est ce qui fait sa force.
- Ça vous semble normal Jean Mimi? - Tout à fait Thierry.
À la manière de San Antonio
Une
belle rousse avec des yeux de braise qui a dû laisser plus d’un cadavre
sur son passage. Et l’autre châtain clair mais avec un sourire ravageur
qui éclaire son visage que t’as l’impression qu’il fait beau même quand
il pleut. Ça chauffe entre les deux souris. Elles se ressemblent comme
deux gouttes d’eau. Remarque, ça tombe bien, il pleut des cordes en ce
moment. Des tigresses comme ça, belles et rebelles, moi je dis qu’il
faut surtout pas chercher à les mettre en cage, elles sont indomptables,
c’est ça qui fait leur charme.
À la manière de Feydeau
Ségolène : François, dis quelque chose!
François : Bah…
Valérie : C’est elle ou moi!
François : C’est toi bien sûr, mais je t’en prie, tais-toi…
Valérie : Jamais ! Je suis une femme libre et indépendante!
Ségolène : Et moi, je suis une femme indépendante et libre! François : Ah si je pouvais me libérer de vous pour retrouver mon indépendance.
À la manière de la baronne de Rotschild
Dans
les familles recomposées, hélas fréquentes à notre époque, il convient
d’établir des relations courtoises et apaisées avec la première épouse
de votre conjoint. Vous veillerez à parler d’elle avec respect et
considération en toutes circonstances. Pourquoi ne pas l’inviter à
prendre le thé afin de faire plus ample connaissance?
À la manière de Victor Hugo
Braves gens, prenez garde aux choses que vous tweetez
Tout peut partir d’un mot qu’en passant vous perdîtes
Tout, la honte, l’embarras, les tracas
Écoutez-bien ceci…
Ce tweet que vous avez écrit
Vite fait, sans trop y penser
Court, à peine lancé,
Part, bondit, se répand sur la Toile,
Paraît dans le journal
Il vous échappe, il fuit, rien ne l’arrêtera,
Vous regrettez déjà, mais trop tard, il s’en va
Droit chez la personne concernée
Et dit : "Me voilà, j’ai été posté par un tel" Et c’est fait, vous avez un ennemi mortel.
Anne Roumanoff - Le Journal du Dimanche
samedi 16 juin 2012
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