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Les truffes ont une vie sexuelle
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 30.12.11 | 14h04
Périgueux, correspondance - Le séquençage du génome de la truffe Tuber melanosporum, dite du Périgord, dont le résultat a été publié en 2008 par l'Institut national de recherche agronomique (INRA), permet aujourd'hui une nouvelle approche de la recherche sur le terrain. L'INRA a révélé que la truffe n'est pas comme d'autres champignons un individu homothallique, mais un champignon hétérothallique, à savoir qu'il ne peut se reproduire que par la fusion de deux mycéliums (partie la moins visible du champignon, dont le fin réseau de filaments se développe en sous-sol) de types sexuels différents.Un an après cette découverte, des tests mis sur le marché permettaient de vérifier que les deux sexes sont présents sur les plants d'arbres mycorhizés (dans lesquels on a introduit du mycélium), et aujourd'hui, chez les producteurs comme Damien Berlureau, qui développe les plants selon la méthode INRA, 85 % des plants d'un an sont porteurs des deux sexes. "On en est désormais au début de l'analyse sur le terrain, et des interactions entre l'arbre et le sol, mais ça peut aller très vite", affirme ce dernier. Le président de la Fédération française des trufficulteurs, le Périgourdin Jean-Charles Savignac, considère comme lui que "la trentaine de tonnes produite en France ne va pas pour autant exploser". Il faut en effet cinq ans à un plant pour produire... et dix ans pour une réponse formelle sur sa productivité. CHANGEMENT DE L'ÉCOSYSTÈME Mais, surtout, le décryptage a également confirmé la complexité du phénomène et l'étroite symbiose de ce précieux champignon avec le milieu, ce qui explique que sa production ait chuté depuis le début du XXe siècle avec le changement de l'écosystème. La recherche en laboratoire prend donc aujourd'hui son sens associée à l'actuelle expérimentation appliquée sur le terrain. Sur la truffière expérimentale du Périgord, Patrick Réjou, technicien de la chambre d'agriculture de Dordogne chargé du développement technique régional, développe ainsi, parallèlement à d'autres chercheurs sur le reste du territoire, un programme d'essais à partir de la nouvelle maîtrise des plants désormais porteurs des deux sexes. Il s'agit d'analyser la façon dont la sexualité fonctionne et de tester des méthodes d'intervention. On répand des spores des deux sexes dans les "brûlés", ces zones situées sous les arbres mycorhizés où la truffe apparaît et où la culture tente de remplacer les pousses spontanées d'autrefois. Un itinéraire technique qui inclut toutes les variables possibles : taille, variété d'arbustes, sarclage manuel ou mécanisé, nature des sols, type d'arrosage, âge des spores et méthodes d'apport de ces derniers. Jean-Marc Olivier, directeur de recherche à la Fédération française des trufficulteurs après avoir été à l'INRA le coordonnateur du programme expérimental, peut dans l'état actuel des expériences assurer que, si la truffe s'avère aujourd'hui cultivable, "elle a besoin de la pelouse calcaire avec sa mauvaise herbe... L'amélioration des plants ne donnera des résultats qu'avec un respect de l'environnement naturel". Michel Labussière |
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